mardi 27 mars 2018

Panama, les amis du père Patrick et toute cette sorte de chose, ou comment se griller dans l'Eglise à cause de ses amitiés

Chers amis, le Fetia no te Moana est ancré dans le port de Colon, Panama, depuis jeudi 22 mars au soir. La traversée depuis la Martinique s'est très bien passée. Edgar et moi étions seuls à bord durant ces 11 jours, au portant, détendus et motivés. A Colon, nous avions rendez-vous avec un membre de l'association, pèlerin de saint Jacques, qui est en lien avec nous depuis plusieurs mois et semblait lui même très motivé, désireux de traverser le Pacifique avec nous. C'est un peu grâce à lui que nous sommes parvenus jusqu'ici, car je vous rappelle que le moral de l'équipage n'était pas au beau fixe en Martinique : manque de financement, de matériel, accueil mitigé, pour ne pas dire glacial, de l'Eglise (mais pas des catholiques heureusement!). Cet équipier arrivait comme la providence, avec une caméra professionnelle, des moyens, un souffle spirituel.

Or voici qu'après un jour et demi passés avec nous, au beau milieu d'une conversation sur la fin des temps et au sortir de la messe des Rameaux, notre équipier nous annonce qu'il ne poursuivra pas avec nous. Ses motivations ne m'ont pas parues très justes. Pour info, était en cause mon amitié avec le père Patrick, qui pouvait nuire au bon déroulement de sa vocation dans l'Eglise ; mazette ! Oui le père Patrick est mon ami. Oui, j'aime parler avec lui de la fin des temps. Oui, il dérange les cathos qui ne veulent surtout pas aborder les sujets qui font réfléchir. Non, je ne remettrai pas en cause cette amitié. De toutes façons, le mal est fait. Même si je reniais publiquement mon ami, étant l'auteur de la série de vidéos « les entretiens du père Nathan », dûment interdites pas la communauté st Jean, et quelques évêques m'ayant définitivement taxé de réactionnaire, je suis fiché à vie. L'équipier a donc débarqué son matériel, (nous faisant croire au passage que c'était pour porter son sac à dos de pèlerin à la messe afin de bien entrer dans l'esprit du pèlerinage maritime, sans blague!) et nous a plantés Edgar et moi au beau milieu du port de Colon. Pardon si je vous parais énervé, je le suis en vérité, et pas qu'un peu. Cet abandon aux portes du Pacifique nous met à plat. S'en est trop.

L'équipage a donc décidé de ne pas franchir les écluses et d'entamer une remontée au près vers la Jamaïque, puis de considérer sérieusement une transat retour par les Açores. Nous restons dans l'esprit du pèlerinage, mais nous contenterons d'un tour d'Atlantique. Nous revoyons notre programme à la baisse, par la force des événements. Ce n'est peut-être que partie remise. Quoiqu'il en soit, notre décision nous semble prudente. Notre décision laisse un sentiment d'inachevé. Je conçois la déception de tous ceux qui nous soutiennent et nous suivent. Je tiens à les rassurer: nous prenons le chemin du retour, certes, mais le voyage est loin d'être terminé pour autant.
A partir de maintenant, fini le vent arrière. Il va falloir crocher dedans au près, contre les alizés, pour nous sortir de la nasse Colombienne. Samedi, le vent mollit enfin, après deux mois de force 5/6. Impossible de rater cette fenêtre sensée durer quelques jours. Il faut impérativement en profiter pour remonter au nord le plus possible. Sans doute notre première escale sera-t-elle l'île de san Andres, Colombie. Mais si le vent est bon, nous croiserons au large et poursuivrons vers les Caïmans au nord ouest de la Jamaïque. Nous passerons Pâques en mer, que Dieu nous pardonne.

mardi 6 mars 2018

La Martinique, terre mariale

Notre Dame de Rocamadour, l'escale martiniquaise 
L'escale martiniquaise s'est prolongée par la force des aléas techniques et météorologiques, pour le plus grand bonheur de l'équipage, Notre Dame de Rocamadour en tête. Nous avons trouvé ici un accueil spirituel des plus chaleureux et des plus enthousiaste. Notre vierge pèlerine s'est sentie chez elle, en famille, en paroisse. Nul doute qu'elle ait laissé sur cette belle île moultes grâces et bénédictions. Nous avons pu prier à deux reprises dans des familles, qui pour l'occasion avaient convoquées voisins et amis, et organisées la rencontre dans la simplicité. La paroisse de Sainte Anne nous a réservé elle aussi un bel accueil. Marie a pu être présente dans le chœur durant une adoration et une eucharistie. Autant dire que le petit stock de médailles et d'images de Rocamadour s'est vite épuisé. Je suis aussi particulièrement satisfait de pouvoir entreprendre des conversations spirituelles avec nos voisins de mouillage. Le fait que notre vierge soit celle-là même de l’aumônerie du Vendée Globe nous ouvre les portes de la spiritualité de ces navigateurs. Jamais je n'aurais imaginé parler de l'Immaculée conception au cours de soirées de mouillage! Merci NDR!
Durant près de trois semaines, le vent et les grains nous ont incités à rester à l'abri de la baie du Marin. Cela nous a laissé le temps de bricoler. Le manque d'énergie nous contraignait à barrer de longues heures, au cours des traversées. A trois, cela n'engendrait qu'un peu de fatigue ; mais seul avec Edgar, il n'est plus question d'être coincé à la barre, de devoir en plus gérer l'école, les repas, l'entretien. Nous avons équipé le Fetia d'une éolienne. Quelle aventure ! Dans un souci d'économie, le premier modèle que nous installons est une occasion « quasi neuve ». Il faut une semaine pour réunir les éléments, le mât, l'usinage du mât, les haubans, les câbles électriques. L'engin est garanti par le vendeur. Je ne me soucie donc pas de la tester ; erreur ! Posée dans les règles de l'art sur l'arrière bâbord, elle tourne fièrement dans le vent, du haut de son perchoir, … mais ne charge pas un électron. Retour au vendeur qui constate qu'en effet, l'éolienne présente un défaut. Contraints et forcés, il nous faut nous tourner vers du matériel neuf. Ici, les revendeurs ne proposent que le haut de gamme, la Silentwind, qui équipe la majorité des voiliers autour de nous. De l'avis unanime, ça marche fort. Avec ça, plus de problèmes d'énergie : on peut laisser le pilote en marche 24h/24, mais aussi les ordinateurs, les éclairages, les chargeurs. Le seul souci, c'est qu'elle est chère, et plus encore sur cette île française où les douanes et divers parasites administratifs se gavent de taxes imbéciles. Le mât de cette éolienne est bien évidemment différent de celui de la précédente. Une fois encore, nous voulons économiser et achetons l'éolienne neuve sans son régulateur. Un voilier voisin nous a en effet proposé de nous céder au tiers du prix martiniquais un régulateur neuf qu'il a en doublon. C'est celui de la marque, vendu dans sa boite avec sa notice et une facture d'achat. Il n'a jamais été monté. Pourquoi dès lors douter de son fonctionnement ? Comment appeler cela sinon la malédiction de l'éolienne ? Avec l'aide précieuse d'Edgar, j'installe le beau moulin à vent tout neuf et je le branche, m'assurant de respecter toutes les cotes et recommandations, Une petite brise arrive, le voyant de régulation s'éteint, l'éolienne se met à tourner joliment ; … mais rien n'en sort, pas un électron. Le beau régulateur neuf d'occasion ne régule rien du tout. Retour au vendeur qui nous rembourse et achat du régulateur neuf et garanti, au prix fort.
Edgar, mon équipier de choc, s'est constitué un petit groupe d'amis de son âge. Je pense qu'il souffrira de devoir partir. Au revoir Laura, sa bonne amie suisse. Ne t'inquiète pas fils, tu la reverras certainement.
Nous sommes désormais sur le départ. Reste quelques détails et formalités, puis nous filons sur Panama, à 1250 miles nautiques, soit une semaine et demi de mer. Là-bas nous franchirons le canal et accueillerons à bord jusqu'à Tahiti, un nouveau membre de l'association, lui-même pèlerin de saint Jacques, Marc Antoine, canadien et caméraman. J'espère que grâce à lui, nous aurons enfin des images dignes de ce nom!

Régis